11.1.12

O assassínio de Juvénal Habyarimana

Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Près de dix-huit ans après l'attentat, à Kigali, contre l'avion du président rwandais qui, le 6 avril 1994, allait déclencher cent jours de génocide au Rwanda contre les Tutsis et le massacre de Hutus modérés, un rapport d'expertise présenté aux parties, mardi 10 janvier à Paris par le juge français en charge de l'affaire, Marc Trévidic, apporte enfin des éléments nouveaux et déterminants qui réorientent radicalement l'enquête.

Cette étude technique destinée à localiser le point de départ du tir du missile qui a abattu le Falcon 50 du président hutu Juvénal Habyarimana tend à disculper le Front populaire rwandais (FPR) – l'armée rebelle d'alors, dirigée par l'actuel président rwandais, Paul Kagamé – de la responsabilité de l'attentat. Au contraire, il incrimine, implicitement, le camp adverse, celui des extrémistes hutu, et il enterre un peu plus profondément l'ordonnance du juge Jean-Louis Bruguière établie en 2006 sur la base de témoignages accusant Paul Kagamé. Témoignages qui se sont délités au fil des ans.
L'élément nouveau du rapport des six experts (balistique, acoustique, explosif, cartographie et pilotage) mandatés par le juge Trévidic est d'ordre géographique. Il est déterminant car s'il ne permet pas de dire avec certitude qui a tiré, il permet de resserrer considérablement le champ des investigations.





A l'issue de recherches menées sur les lieux de l'attentat en septembre2010, il ressort en effet que "l'hypothèse privilégiée est celle d'un tir du missile depuis le domaine militaire de Kanombé, contrôlé par des paras commandos et la garde présidentielle [de Juvénal Habyarimana]", nous explique maître Bernard Maingain, avocat des sept Rwandais, dont des proches de Paul Kagamé, inculpés depuis 2006 par le juge Bruguière.

"À QUI PROFITE LE CRIME"

"Le tir des deux missiles, dont le second a abattu l'avion, a pu avoir lieu depuis le camp Kanombé, à proximité des maisons des coopérants belges. La zone de tir que nous privilégions comprend le cimetière (…) et, plus vraisemblablement, le bas du cimetière", peut-on lire, en effet, dans un extrait du rapport publié sur le compte Twitter du journaliste indépendant Frédéric Helbert.

Si les experts privilégient Kanombé, c'est qu'ils excluent dans le même temps que le missile ait pu être tiré depuis la ferme de Masaka. Or cette hypothèse retenue dans le rapport Bruguière incriminait lourdement les troupes de M.Kagamé censées s'être infiltrées dans cette zone idéale militairement pour abattre l'avion peu avant son atterrissage à Kigali. Une infiltration de rebelles du FPR dans le camp surprotégé de Kanombé, jouxtant l'aéroport et la résidence présidentielle, paraît, elle, improbable.

Faute de s'être rendu sur le terrain, le juge Bruguière défendait, lui, une théorie, plus qu'il ne s'appuyait sur des faits. Pour lui, Paul Kagamé, alors sur l'offensive militaire avec ses FPR, aurait commandité l'attentat afin d'empêcher l'application d'un accord politique soutenu par Juvénal Habyarimana et prévoyant la constitution d'un gouvernement d'union nationale. Le président tué, le FPR profitait du chaos et s'emparait de tout le pouvoir par la force des armes sans avoir à passer par des élections – prévues dans les accords d'Arusha signés huit mois plus tôt –, mais que le chef de la minorité Tutsi ne pouvait pas gagner en vertu du poids démographique insuffisant de sa communauté. En d'autres termes, à la question "à qui profite le crime?", le juge Bruguière répondait Paul Kagamé.
Le Monde

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