21.7.15
Chade: Julgamento de Hissène Habré
Pour le premier jour de son procès à Dakar, l'ancien président tchadien Hissène Habré a multiplié les provocations à l'encontre de ses juges. Il doit comparaitre de force face à la cour ce mardi matin.
Il était bien là. Boubou blanc immaculé et turban sur la tête ne laissant entrevoir que ses yeux derrière ses lunettes, Hissène Habré, 72 ans, a finalement été conduit de force dans la salle du tribunal de Dakar où s’est ouvert, lundi 20 juillet, un procès inédit et historique : celui du premier chef d’État africain jugé par des Africains dans un pays africain.
Accusé de crimes de torture, de crimes de guerre, et de crimes contre l’humanité lorsqu’il a dirigé le Tchad de 1982 à 1990, Habré a rapidement provoqué un esclandre. Peu après son arrivée dans la salle, acclamé par des partisans venus le soutenir bruyamment, il a bondi de sa chaise, chapelet à la main, et hurlé « À bas l’impérialisme et le néocolonialisme ! ». Affirmant depuis son inculpation et son arrestation, il y a deux ans, qu’il ne reconnaît aucune légitimité aux Chambres africaines extraordinaires (la juridiction ad hoc mise sur pied par l’Union africaine et le Sénégal pour le juger) ni à ses magistrats, il a finalement été évacué de la salle sans ménagement par d’imposants gardiens de l’administration pénitentiaire.
Ses victimes nous écoutent et le monde nous regarde, car ce procès concerne l’humanité toute entière »
L’ancien président tchadien mis au silence dans une salle attenante à celle du tribunal, le procès pouvait démarrer. Présidée par le juge burkinabè Gberdao Gustave Kam, la cour a notamment donné la parole à la coordinatrice du collectif des avocats des victimes, la Tchadienne Me Jacqueline Moudeina. « Hissène Habré a été le bourreau de son peuple, qu’il a martyrisé à travers un système de répression dont il a été l’instigateur et le pivot, a-t-elle déclaré, visiblement émue par ce moment qu’elle affirme avoir tant attendu. Aujourd’hui, ses victimes nous écoutent et le monde nous regarde, car ce procès concerne l’humanité toute entière, la même humanité que Habré a bafoué pendant des années. »
Les avocats de la défense, eux, étaient absents. Dans les couloirs du Palais de justice de Dakar, ils affirmaient, dans un discours calqué sur celui de leur client, qu’ils ne voulaient pas « comparaitre devant une cour qu’ils ne reconnaissent pas ». « Nous refusons de participer à une procédure dont l’arrêt de condamnation est déjà écrit », s’exclamait ainsi Me François Serres, dénonçant un procès « inéquitable » et financé par « le président Idriss Déby Itno et les Tchadiens ».
Comparution de force
Cette stratégie de défense de rupture totale a provoqué une interruption de séance. Prié de comparaitre devant la cour par un huissier en début d’après-midi, l’accusé a répondu à ses juges par une lettre qu’il n’a pas pris la peine de signer. « Ces chambres sont illégitimes et illégales. Ceux qui y siègent ne sont pas des juges mais de simples fonctionnaires exécutant des décisions politiques. Je n’ai à répondre à aucune demande de leur part. »
Ne goûtant visiblement pas aux attaques de l’ex-chef de guerre tchadien, la cour a donc décidé de le faire comparaître de force ce mardi matin à 9h00 heure locale. Si ces avocats refusent toujours d’assurer sa défense, un avocat commis d’office devrait être désigné. Le procès pourrait alors être ajourné de deux à trois semaines, le temps pour son nouveau conseil de prendre connaissance du dossier.
Dénonçant une stratégie de pourrissement de la procédure, les avocats des victimes et leurs soutiens ne semblaient guère étonnés par l’attitude provocatrice de Habré. « C’est un despote qui a martyrisé et tué des milliers de personnes. Il doit désormais avoir le courage de regarder ses victimes dans les yeux. De toute façon, qu’il soit là ou non, cela ne changera rien à la dimension historique de ce procès », affirmait Reed Brody, conseiller juridique et porte-parole de Human rights watch (HRW), qui épaule les victime depuis 1999. Restées calmes et dignes malgré les hurlements de Habré, la plupart d’entre elles considéraient que ce premier jour de procès constituait, déjà, une première victoire symbolique contre leur bourreau.
Jeune Afrique
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