27.2.17

Sara Ocidental: Intervenção de Guterres

Retour à la case départ pour le Maroc plus de six mois après le début de l’opération Guerguerat. Le nouveau Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a réussi à faire baisser la tension là ou son prédécesseur, Ban Ki-moon, avait échoué. Les civils et les gendarmes marocains qui, pour la première fois en un quart de siècle, avaient traversé le mur militaire à la pointe sud du Sahara occidental, rebroussent chemin.

Le Secrétaire général de l’ONU blâme le Polisario et s’en prend au Maroc 

Guterres s’est alarmé, vendredi, après avoir reçu un appel de Mohamed VI, le roi du Maroc. Il a, le jour même, eu à sa demande un entretien avec Ahmed Boukhari, le représentant du Front Polisario auprès de l’ONU. Vingt-quatre heures après il s’est aussi fendu d’un communiqué dans lequel il se déclare « profondément préoccupé par les tensions accrues » à Guerguerat et « appelle les deux parties à faire preuve de la plus grande retenue (…) ». Le cessez-le-feu qui prévaut depuis 1991 semblait en danger.
Dans son communiqué Guterres blâme d’abord le Polisario, sans le nommer, quand il « souligne que le trafic commercial ne doit pas être obstrué et qu’aucune mesure pouvant éventuellement changer le statut quo dans la zone tampon ne devrait être prise ». Depuis le début de la semaine, ses hommes en armes ne laissaient plus passer vers la Mauritanie les camions frappés du drapeau marocain ou de cartes du Maroc incluant le Sahara. « C’est de la propagande pour l’occupation que nous n’acceptons pas », expliqua au téléphone Mhamed Khadad, coordinateur du Polisario avec la Minurso, le contingent de l’ONU déployé dans cette ancienne colonie espagnole.
Mais le Secrétaire général s’en prend aussi au Maroc quand il exhorte les deux parties « à retirer sans conditions les éléments armés de la zone tampon dès que possible (…) ». Selon lui, les uns et les autres ont ainsi violé les accords de cessez-le-feu contrairement à ce qu’affirmait Rabat. Le Maroc proclamait que ce n’était pas son armée qui avait traversé le mur mais des civils escortés par des gendarmes comme si ces derniers étaient désarmés.

Les gendarmes marocains se retirent

Ceux-ci vont se retirer ce dimanche de leur côté du mur. Sur les « hautes instructions du roi et afin que la demande du Secrétaire général soit respectée et appliquée dans l’immédiat, le Royaume du Maroc procédera, dès aujourd’hui, à un retrait unilatéral de la zone », annonce un communiqué du ministère des Affaires étrangères marocain. Il s’attribue, en partie, le mérite de l’initiative de Guterres car elle s’est produite « suite à l’entretien téléphonique » qu’il a eu avec Mohamed VI.
Au téléphone le souverain avait demandé à Guterres de prendre des « mesures urgentes » pour mettre fin aux « provocations » du Polisario (le renvoi des camions), car elles menacent le cessez-le-feu, selon le communiqué du cabinet royal diffusé tard vendredi dans la nuit.
C’est le 14 août 2016 qu’une poignée d’hommes du génie civil marocain, escortés par des gendarmes, ont traversé à Guerguerat le mur construit par les Forces armées royales (FAR) dans les années quatre-vingt sous prétexte de goudronner en zone tampon la piste de moins de cinq kilomètres qui sépare le rempart marocain de la douane mauritanienne.
Le Polisario s’est alors démené pour que l’ONU empêche ce qui, d’après lui, était une violation du cessez-le-feu, une incursion marocaine dans ce qu’il appelle le « territoire libéré» du Sahara occidental. Mais le Conseil de sécurité n’a pas bougé. Le mouvement indépendantiste a donc pris l’initiative et envoyé ses éléments armés, le 28 août, bloquer l’avancée marocaine. Le Maroc, qui venait d’entreprendre des démarches pour intégrer l’Union Africaine, a alors fait preuve de retenue. Ses hommes se sont arrêtés à 120 mètres de leurs adversaires.
La situation s’est par la suite davantage détériorée même si la Minurso s’interpose pendant la journée -elle se retire la nuit- entre les deux ennemis.  Le Polisario s’était mis à construire en dur démontrant qu’il était venu pour y rester. Ses chefs ont même laissé entendre qu’ils pourraient prendre d’autres mesures pour exercer leur autorité sur un territoire qu’ils considèrent comme le leur : fouiller les véhicules qui vont ou viennent de Mauritanie ou tamponner les passeports avec le sceau de la République arabe sahraouie démocratique (RASD).
Abdallah al-Bellal, chargé de la Défense de la RASD, n’a même pas exclu la fermeture du passage vers la Mauritanie lors d’une interview avec le site mauritanien « Masara ». Ce verrouillage empêcherait le Maroc d’exporter ses produits agricoles chez ses voisins du Sud.

Craintes d’une reprise des affrontements

Pour la première fois depuis le cessez-le-feu, il y a plus d’un quart de siècle, les capitales européennes qui suivent de près le conflit du Sahara occidental se sont mises alors à craindre que les armes se remettent à crépiter. La presse marocaine semblait aussi de cet avis. Elle spéculait sur l’escorte que la Gendarmerie pourrait fournir aux camions marocains jusqu’à la frontière mauritanienne. Le journal marocain online « Le Desk » croyait même savoir que Rabat soupesait la possibilité juridique d’invoquer la poursuite à chaud pour s’en prendre au Polisario sous prétexte qu’il entrave le trafic frontalier.
Guterres a démontré son efficacité. Si le Conseil de sécurité s’était lui aussi penché sérieusement, depuis la mi-août, sur la situation à Guerguerat, le Polisario et l’armée marocaine n’auraient pas été sur le pied de guerre. Mais il a été incapable de faire baisser la tension. L’organe suprême des Nations unies est totalement inefficace sur ce sujet. Il n’a même pas pu obtenir le retour au Sahara de 17 agents de la branche civile de la Minurso expulsés en mars dernier par les autorités marocaines.

Que va faire le Front Polisario ?

Le Polisario ne semble pas prêt à rebrousser chemin. Dans un communiqué publié tard dimanche, il dit certes partager les « préoccupations » Guterres, mais il décrit aussi le retrait marocain comme de « la poudre aux yeux qui cache mal le mépris de Rabat pour la légalité internationale ».
Le Front Polisario rappelle également « qu’avant l’établissement du cessez-le-feu il n’y avait ni route, ni trafic commercial entre le mur d’occupation marocain et la frontière mauritanienne ». Leur existence est « une violation du statut du Territoire (…) ». La direction saharauie pense sans doute avoir marqué un point et elle ne veut pas y renoncer même si Paris et Madrid le lui ont demandé dans leurs communiqués.
Même s’il avait été délogé de Guerguerat par la force, le mouvement sahraoui aurait pu tirer profit d’un bref affrontement armé. Plus encore que son prédécesseur, son nouveau chef, Brahim Ghali, cherche à sortir le conflit de l’oubli dans lequel il plongea peu après le cessez-le-feu de 1991. Il souhaite que la communauté internationale s’y intéresse à nouveau et force le Maroc à négocier, ce qu’il se refuse de faire depuis 2011 à Manhasset, dans la banlieue de New York. Pour Ghali, déterrer la hache de guerre, ne serait-ce que brièvement, c’est aussi démontrer à cette jeunesse sahraouie, avide de reprendre les armes, qu’il tient compte de ses aspirations.
Le Maroc ne veut plus, en effet, négocier le sort de « son » Sahara. Il n’évoque même plus très souvent cette offre timide d’autonomie pour le Sahara qu’il avait formulée en 2007 et qui avait été applaudie à Paris et Madrid car ces capitales avaient aidé discrètement à son élaboration. Il table désormais, pour asseoir son contrôle sur ce grand morceau de désert, sur l’effondrement de l’Algérie frappée par une grave crise économique à cause de la chute du prix des hydrocarbures et qui n’arrive toujours pas à trouver un successeur à son président malade.
La santé fragile d’Abdelaziz Bouteflika nuit déjà à la politique étrangère de l’Algérie face à un roi marocain qui ne cesse depuis l’automne de parcourir l’Afrique. Sans une Algérie débout, il n’y aura plus de Polisario, pense-t-on plus que jamais à Rabat. C’est la deuxième fois qu’on y fait ce calcul. La première fut dans les années quatre-vingt-dix quand l’Algérie subissait les coups des groupes terroristes, mais alors, il ne s’est pas vérifié.

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