A huit jours du premier scrutin législatif depuis le départ de Hosni Moubarak, la tension est montée en Egypte entre le gouvernement de transition et la rue. Vingt-deux personnes ont trouvé la mort depuis le début des affrontements qui ont éclaté samedi 19 novembre sur la place Tahrir, au Caire. Certains sont morts par balles, les autres par asphyxie après que la police a utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants. Plus de 750 personnes ont été blessées dans la capitale, selon le ministère de la santé. Et les heurts se poursuivaient lundi matin avec des tirs de grenades lacrymogènes sur des centaines de manifestants répartis en petits groupes place Tahrir.
La police antiémeute avait déjà tiré des gaz lacrymogènes dans la nuit pour contenir la foule près du ministère de l'intérieur, à proximité de la place. Ces scènes de violence, d'une moindre ampleur, rappellent les affrontements de la révolte contre le régime Moubarak du début de l'année.
Des dispensaires de fortune installés à même la chaussée ont accueilli de nombreux manifestants en proie à des malaises ou suffoquant en raison des tirs intensifs de grenades lacrymogènes. Dans un communiqué publié sur sa page Facebook, le ministère de l'intérieur a toutefois assuré que "la police n'avait pas fait usage d'armes à feu, de fusils de chasse, ou de balles en caoutchouc", affirmant que les forces de l'ordre avaient eu recours à des "moyens légaux", n'utilisant "que des gaz lacrymogènes pour disperser les émeutiers".
DOUTES SUR LA TENUE DES ÉLECTIONS
Le gouvernement de transition cherche une solution de sortie de crise, sans succès pour le moment. Dimanche après-midi, le premier ministre, Essam Charaf, a tenu une réunion afin de trouver les moyens de contenir la colère du peuple, après s'être entretenu dans la matinée avec des membres du conseil militaire qui tient les rênes du pays.
Pour l'exécutif, ces affrontements sont très malvenus, car les Egyptiens doivent voter le 28 novembre pour élire les représentants de l'Assemblée du peuple (chambre des députés). Ce scrutin doit se dérouler au total sur quatre mois. L'armée s'est engagée à rendre le pouvoir aux civils après l'élection d'un nouveau président. Le fait que la date de la présidentielle ne soit toujours pas connue suscite de nombreuses craintes de voir les militaires s'accrocher au pouvoir.
Une crainte devenue un mot d'ordre pour les manifestants qui réclament inlassablement la chute du maréchal Hussein Tantaoui, à la tête du Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui dirige le pays depuis le départ du président Moubarak, chassé par une révolte populaire en février.
"Le Conseil des forces armées poursuit la politique de Moubarak, rien n'a changé après la révolution", explique Khaled, 29 ans, en installant une tente au centre de la place Tahrir. "Tout ce qui arrive est la preuve que les militaires veulent garder le pouvoir", estime Ahmed Abou el-Enein, un militant de 30 ans. "A bas Tantaoui", scandent autour de lui des manifestants hostiles à ce militaire septuagénaire, qui fut pendant vingt ans le ministre de la défense de Hosni Moubarak et l'un de ses plus proches collaborateurs.
LE POUVOIR AUX CIVILS
Plusieurs personnalités politiques et des intellectuels, parmi lesquels l'ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) Mohamed ElBaradei, ont publié un document demandant un délai supplémentaire pour les élections législatives, dans le cadre d'une révision du calendrier politique du pays.
Ils proposent, dans un premier temps, d'avoir une assemblée constituante, puis une élection présidentielle et enfin des législatives. Les militaires quant à eux ont décidé de mettre la présidentielle à la fin de ce processus politique, et de ne rendre le pouvoir aux civils qu'une fois élu un nouveau chef de l'Etat.
Le Conseil suprême des forces armées a en outre présenté au début du mois une proposition constitutionnelle accordant à l'armée une autorité exclusive sur la gestion de ses affaires et de son budget. Cette disposition devait être négociée avec les groupes islamistes et libéraux mais les discussions ont été rompues.
Selon une dépêche de l'agence MENA diffusée samedi soir, le vice-premier ministre, Ali Al-Silmi, a modifié deux articles contestés du projet. L'alinéa de l'article 9, qui faisait de l'armée la garante de la légitimité constitutionnelle, a ainsi été retiré. Celui selon lequel les forces gouvernementales devaient être seules responsables de leurs affaires internes, de leur budget et de leur législation a été modifié, tout comme l'article 10, qui annonçait la création d'un conseil national de défense présidé par le chef de l'Etat.
Le Monde
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