24.11.11

Uma vez mais, a Alemanha assusta a Europa

C'est le destin de l'Europe qui se joue. "Nous nous en sortirons ensemble ou nous périrons chacun de notre côté", a déclaré Nicolas Sarkozy, mercredi 23 novembre, devant les maires de France réunis à l'Elysée. Le président de la République n'a pas été jusqu'au bout de sa pensée : l'avenir du Vieux Continent est entre les mains de l'Allemagne, et d'elle seule.
En recevant ce jeudi à Strasbourg la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président du conseil italien, Mario Monti, M. Sarkozy fera mine de faire jeu égal avec l'Allemagne et cherchera à montrer que les trois principales économies de la zone euro font bloc face aux marchés. Il va prendre l'initiative, en prononçant, jeudi 1er décembre, un grand discours sur l'Europe.
En réalité, les Européens scrutent avec angoisse la chancelière, ou plus précisément la nébuleuse du pouvoir en Allemagne, faite de subtils équilibres entre le gouvernement Merkel, le Bundestag, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe et la Bundesbank. De leur compromis interne viendra la décision, ou non, d'autoriser la Banque centrale européenne (BCE) à financer durablement les Etats attaqués par les marchés. De cette décision dépendra la survie de l'Italie et de l'euro. "Les Allemands dominent tout. On attend leurs décisions sans avoir de prise sur les événements", s'afflige un poids lourd du gouvernement français.

"L'ARME DU SUICIDE COLLECTIF"

Et c'est la panique. Jacques Attali, l'ancien conseiller de François Mitterrand, a tiré la sonnette d'alarme ce week-end : l'Europe s'est suicidée lors des deux conflits mondiaux du XXe siècle. "Aujourd'hui, c'est de nouveau au tour de l'Allemagne de tenir dans sa main l'arme du suicide collectif du continent", met en garde M. Attali, qui expose sa solution technique. Si l'Allemagne la refuse, "la catastrophe aura lieu", prévient M. Attali.
Certes, l'Allemagne a fait ce qu'on lui avait promis qu'elle n'aurait jamais à faire, voler au secours des pays latins en faillite. Mais la spirale négative semblant inexorable, elle fait figure d'accusée. Les eurosceptiques multiplient les sorties antigermaniques. "L'Allemagne porte une responsabilité totale dans la faillite du système. Après l'obsession de la politique monétaire restrictive, on veut nous proposer le diktat sur le budget, la trique allemande. C'est la fin des démocraties nationales", accuse le député Jacques Myard (UMP, Yvelines).
Il est désormais rejoint par les fédéralistes, angoissés par une Allemagne moraliste, qui pourchasse les déficits. "Ce que disent les Allemands était valable il y a dix ans. Il ne fallait pas faire de déficits. Mais c'est trop tard. Ils prônent de manière névrotique des choses qui ne peuvent pas produire les résultats qu'ils espèrent", s'afflige Jean-Louis Bourlanges, président de la Fondation du centre, qui voit trois solutions : "La mort par autarcie, c'est la sortie de l'euro. La mort par asphyxie, c'est la rigueur proposée par l'Allemagne. Et puis la réforme, avec solidarité et pragmatisme."

CHEMIN ÉTROIT

Ce chemin étroit inquiète les Français, qui ne savent quelle dose de rigueur et de contrainte fédérale ils vont devoir concéder. Le fantôme de l'Europe allemande ressurgit. L'ancien ministre des affaires étrangères, le socialiste Hubert Védrine, s'inquiète d'une Allemagne qui pousse ses pions sur deux fronts, économique et institutionnel : pour mieux contrôler les politiques budgétaires, elle exige un renforcement du Parlement qu'elle domine par sa démographie, et de la Commission, émanant de ce même Parlement. "Le gouvernement de la zone euro de demain ne peut pas être germano-allemand, imposé à des pays qui ne peuvent pas refuser car ils sont pris en otage par les marchés", dénonce M. Védrine.
Le Quai d'Orsay met en garde contre une Allemagne qui défend froidement ses intérêts – elle est accusée de vouloir abandonner le principe "un pays, une voix" et pondérer le pouvoir à la BCE en fonction de la richesse économique de chaque pays. Le salut de la France passerait par un Conseil européen fort, où le président français, tout puissant dans son pays, est particulièrement influent.
Les Français s'inquiètent parallèlement de se voir imposer une ligne économique allemande. Le sujet est encore plus sensible en campagne électorale, M. Sarkozy ayant instrumentalisé le modèle allemand pour mieux vendre ses propres réformes. La gauche contre-attaque sur les concessions faites par le président français. "L'Allemagne a clairement pris le leadership. Modifier les traités dans le sens de la seule rigueur, ce n'est pas une perspective. Je ne vois par les avancées ou les contreparties que Nicolas Sarkozy recueille", accuse Pierre Moscovici, directeur de campagne de François Hollande, qui annonce que le candidat socialiste souhaite rencontrer la chancelière avant mai 2012.
Pour se connaître : "On ne peut pas se découvrir au lendemain de l'élection présidentielle." Pour débattre du fond : "Il faudra expliquer à Angela Merkel combien la France d'après est une France solide, qui donne des garanties sur ses finances, mais tenter de définir une nouvelle donne qui ne peut être la rigueur seule."

RÉVOLTE DES VOISINS

L'enjeu pour Paris est de convaincre Berlin qu'elle doit retrouver la sagesse de l'après-réunification. L'Allemagne avait alors compris qu'elle n'avait pas intérêt à pousser jusqu'au bout son avantage, car elle risquait, in fine, de se heurter à la révolte de ses voisins affaiblis ou inquiets, et Helmut Kohl avait abandonné le deutschemark pour l'euro.
"Aujourd'hui, l'Allemagne croit que son intérêt est d'être très dure sur la doctrine et de s'imposer comme seul leader en Europe", analyse un ministre français. "Mais elle ne tiendra pas, car elle va susciter un sentiment trop fort de germanophobie. Avec l'Autriche, c'est désormais son Hinterland qui est attaqué ; avec la France, son premier partenaire. Elle va finir par bouger", espère ce ministre. "Je n'entends pas de résurgences d'autres temps de l'histoire, mais si l'Europe se délite, certains voudront trouver des responsabilités et cela peut être mauvais", analyse l'ancien premier ministre, Laurent Fabius.

Arnaud Leparmentier/Le Monde

Article paru dans l'édition du 25.11.11

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