18.6.13
Le Monde chama camaleão a Durão Barroso
Pour une fois, les Européens arrivaient unis face aux Américains. Le G8 de Lough Erne, en Irlande du Nord, devait permettre de lancer en grande pompe, avec Barack Obama, les négociations visant à établir un traité transatlantique de libre-échange. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a torpillé cette unité en affirmant, juste avant l'ouverture du sommet, que la position de la France sur l'exception culturelle était "réactionnaire".
Peu importe de savoir si la France l'est. Et s'il fallait ou non exclure, au nom de l'exception culturelle, les services audiovisuels du mandat de négociation confié à la Commission européenne. Pour être prêts, les Vingt-Sept ont longuement négocié jusque tard dans la nuit, vendredi 14 juin. La France a fini par imposer ses vues et a remporté une victoire politique.
Que cette issue satisfasse ou non M. Barroso, peu importe aussi. Il est président de la Commission et se trouve lié par le mandat qui lui a été confié par les Etats. En dénigrant l'accord au lendemain de sa conclusion, M. Barroso ne se comporte pas en gardien des traités, comme sa mission le lui impose. Rappelons à une Commission qui se pique souvent de juridisme l'article 4-3 du traité de Lisbonne : "En vertu du principe de coopération loyale, l'Union et les Etats membres se respectent et s'assistent mutuellement dans l'accomplissement des missions découlant des traités." En l'occurrence, M. Barroso n'est ni "loyal" ni "respectueux".
Le commissaire au commerce, le Belge Karel De Gucht, a adopté une attitude comparable. Il n'est pas parvenu à imposer ses vues. Mauvais joueur, il prétend qu'il sera possible de réintroduire les services audiovisuels dans la négociation. Il se paie de mots : à l'unanimité, tout est possible ; en réalité, la France conserve son droit de veto sur le sujet.
Mais M. De Gucht a une excuse : il va négocier avec les Américains et craint que ceux-ci ne ripostent en écartant de la négociation des domaines stratégiques pour les Européens. Si nécessaire, il veut pouvoir revenir auprès des Vingt-Sept pour amender son mandat de négociation.
M. Barroso, en revanche, semble avoir des visées beaucoup plus personnelles. Depuis huit ans, le président de la Commission s'est distingué par sa ductilité. Défenseur des petits Etats lorsqu'il était premier ministre du Portugal, libéral lors de sa nomination à Bruxelles avant la crise de 2008, sarkozyste sous la présidence de Nicolas Sarkozy, incapable, depuis, de la moindre initiative politique pour relancer l'Union, il a accompagné le déclin des institutions européennes.
Aujourd'hui, à 57 ans, ce caméléon se cherche un avenir. A la recherche d'un beau poste, à l'OTAN ou aux Nations unies – qui sait ? –, il a choisi de flatter ses partenaires anglo-saxons, le premier ministre britannique et le président américain. A la tête de la Commission, M. Barroso aura été un bon reflet de l'Europe : une décennie de régression.
Editorial du "Monde"
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