22.10.15

Argélia: Vigilância electrónica

Un décret présidentiel vient d’instituer la mise en place d’un dispositif de surveillance électronique généralisé, au nom de la prévention et de la lutte contre les infractions liées aux technologies de l’information. S’il est évident que la cybercriminalité pose de sérieux défis au pays en matière de sécurité, il reste à savoir, néanmoins, si la vie privée des citoyens sera systématiquement protégée contre un usage abusif. Les Algériens seront-ils mis sur écoute plus qu’ils ne l’étaient ? Un décret présidentiel portant sur une surveillance électronique généralisée vient de voir le jour ; il a été publié au Journal officiel du 8 octobre dernier. Il est vrai que le motif avancé est globalement la sécurité nationale, mais le texte qui officialise la création de l’Organe national de prévention et de lutte contre les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication fixe sa composante et ses modalités de fonctionnement et prête réellement à confusion dans certains de ses articles. Le décret présidentiel liste, faut-il le préciser, exhaustivement tous les moyens de communication électronique, à savoir «toute transmission, émission ou réception de signes, de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de renseignements de toute nature, par tout moyen électronique, y compris les moyens de téléphonie fixe et mobile». Autrement dit, l’Organe en question peut accéder aux données numériques et au contenu des conversations de n’importe quel citoyen algérien. Bien que mis «sous l’autorité du magistrat compétent et à l’exclusion de tout autre organisme national», le caractère «préventif» de la surveillance électronique – confiée à une direction qui a aussi pour mission la veille électronique – suscite beaucoup d’interrogations en cela que la surveillance et l’opération de veille peuvent concerner non seulement des personnes faisant l’objet d’une enquête que ce soit dans le cadre de la lutte contre la criminalité sous toutes ses formes ou contre le terrorisme, mais également d’autres personnes. Car aussi flous et imprécis qu’ils sont, les termes «surveillance et veille électroniques» donnent à comprendre que le citoyen mis sur écoute et dont les mails et les correspondances sont épiés peut être «Monsieur Tout le monde». Donc pas forcément un supposé criminel faisant l’objet d’une enquête ou d’une information judiciaire. En effet, si l’article 4 du code de procédure pénale fixe avec précision les modalités de la surveillance électronique qui vient «pour prévenir des infractions qualifiées d’actes terroristes ou subversifs et les infractions contre la sûreté de l’Etat» et «lorsqu’il existe des informations sur une atteinte probable à un système informatique représentant une menace pour l’ordre public, la défense nationale, les institutions de l’Etat ou l’économie nationale ou pour les besoins des enquêtes et des informations judiciaires, lorsqu’il est difficile d’aboutir à des résultats intéressant les recherches en cours sans recourir à la surveillance électronique», le décret présidentiel peut aller bien au-delà. Sinon, que veut dire l’article 8 du texte publié dans le Journal officiel lorsqu’il énumère les missions du comité directeur qui arrête le programme d’action de l’Organe et en détermine les modalités d’application ? Les écoutes téléphoniques et la surveillance électronique sont une affaire très délicate et sérieuse, d’autant qu’elles relèvent de la sécurité du pays, pour l’aborder dans des notions très larges et vagues de «subversion, d’atteinte à la sûreté de l’Etat». Ces notions, dont l’interprétation peut varier selon les circonstances, peuvent bien être perverties en l’absence d’un Etat de droit. Pouvons-nous comprendre que désormais, la vie privée des Algériens est du domaine de cet Organe qui «exerce l’exclusivité en matière de surveillance des communications électroniques sous le contrôle du magistrat compétent» ? Autre interrogation qui taraude les observateurs : que vient faire un représentant de la présidence de la République dans une structure censée être complémentaire au travail de la justice et des services de sécurité en leur fournissant des informations sur les infractions susceptibles d’être une menace pour la sécurité nationale ? El Mouradia préfère-t-elle être à la source de l’information que d’attendre les rapports des différents services de l’Etat ? Autant de questionnements qui font craindre les dérives d’un pouvoir qui ne cesse de mettre en garde, par le biais de ses représentants et ses relais politiques, l’opposition accusée de vouloir «jeter le pays dans l’anarchie». Craintes légitimes que le pouvoir fasse un mauvais usage contre ceux que qualifie un de ses hauts responsables d’«ennemis de l’intérieur». El Watan

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