1.9.15

Bissau: Onde Vaz, José Mário?

«Il est regrettable qu’au moment où des consultations étaient en cours le président José Mário Vaz ait exacerbé les tensions en intronisant un nouveau Premier ministre. » Dans son tweet, le président nigérian, Muhammadu Buhari, ne s’embarrasse pas de diplomatie à l’endroit de son homologue bissau-guinéen. Adepte du passage en force, « Jomav », élu en mai 2014, a amorcé le 12 août une crise potentiellement désastreuse pour ce pays soumis depuis trente-cinq ans à une instabilité politique chronique. Sa décision de remplacer à la hussarde son populaire Premier ministre, Domingos Simões Pereira (alias « DSP »), fait, depuis, l’unanimité contre elle.  Entre Jomav et DSP, tous deux militants du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), la crise couvait depuis plusieurs mois. Il est vrai que le régime bicéphale en vigueur en Guinée-Bissau accouche à intervalles réguliers de rivalités entre le président et son Premier ministre – issu de la majorité parlementaire et qui est le véritable homme fort de l’exécutif. La feuille de route qu’avaient endossée les deux hommes un an plus tôt était pourtant claire : redresser et stabiliser le pays, devenu exsangue et ingouvernable après deux années de transition qui faisaient suite au coup d’État militaire d’avril 2012. Mais, le 12 août, Jomav invoquait « une crise de confiance » au sommet de l’État nuisant au « bon fonctionnement des institutions » pour limoger brutalement son rival. Depuis, le président fait face à une pluie de désaveux. Tandis que le Portugal menaçait de suspendre son aide financière en cas de nouvelle crise politique, José Ramos-Horta, l’ancien président du Timor-Oriental (un autre pays lusophone), qui fut aussi le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU en Guinée-Bissau, appelait le gouvernement timorais à suspendre les accords de coopération entre les deux pays. À Bissau, le PAIGC comme le Parti de la rénovation sociale (PRS, deuxième force politique du pays, associée au gouvernement d’ouverture nommé en juillet 2014) ont aussitôt désavoué l’initiative présidentielle, tandis que la société civile appelait à un vaste mouvement de désobéissance. Cette fronde n’a pas incité José Mário Vaz à opter pour le compromis. Tandis que le PAIGC, qui détient la majorité absolue à l’Assemblée nationale, invoquait ses propres statuts pour contraindre le chef de l’État à nommer de nouveau DSP, en sa qualité de président du parti, au poste de Premier ministre, Jomav a préféré investir Baciro Djá, troisième vice-président du PAIGC, provoquant la colère de ses camarades. Destitution du chef de l’État ? Même défiance à l’Assemblée, où les députés, réunis en session extraordinaire, ont adopté le 24 août à une large majorité une résolution demandant le départ de Djá. Autant dire que ce dernier semble mal parti pour obtenir des élus le vote de confiance requis par la Constitution. En cas de blocage, une dissolution de l’Assemblée n’est pas exclue, ce qui replongerait le pays dans un régime de transition bancal et dans une nouvelle campagne électorale. « José Mário Vaz n’écoute plus personne. C’est un homme seul, désormais », s’indigne le porte-parole du PAIGC, João Bernardo Vieira. « Vous verrez que les cadres du PAIGC vont bientôt se ranger de son côté », se rassure quant à lui un conseiller du président, qui considère que ce dernier « a pris la bonne décision » en nommant un nouveau Premier ministre. Du côté du PRS, une position officielle sur la nomination de Baciro Djá devait être adoptée pendant le week-end. Off the record, face au jusqu’au-boutisme de Jomav, des responsables politiques ne font pas mystère de leur intention d’obtenir la destitution de l’aventureux chef de l’État. Claire Rainfroy Mehdi Ba /Jeune Afrique

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