27.2.14
Sudão do Sul: Situação verdadeiramente explosiva
Envoyé spécial
Les cuillerées de sucre n’y font
rien: le thé est si amer qu’il arrache
une grimace. L’eau, sans
doute. Cette eau traitée à grand
renfort de produits chimiques
pour éviter que n’éclate une épidémie
parmi les 25000 occupants qui
pataugent dans la fange du camp de Tongping
des Nations Unies, à Juba. Au Soudan
du Sud, prés de 100000 personnes sont
venues se réfugier dans les enceintes onusiennes,
avec de bonnes raisons de craindre pour leur
vie. Des casques bleus ont été
tués (à Nasir), des employés locaux se sont
entretués (à Malakal). La situation est
explosive, alors que le conflit entre rebelles
et loyalistes ne prend pas fin, en dépit
denégociationsentredélégationsenEthiopie
voisine.
A Malakal, à 500 kilomètres au nord de
Juba, plus de 20000 personnes se trouvent désormais dans l’enceinte
précaire de
l’ONU,alors que des combats ont eu lieu en
ville, accompagnés d’atrocités. La capitale
del’Etat du Haut Nil a été reprise, mardi ou
mercredi 19février,par les rebelles,à la suite
d’une percée des troupes se réclamant
de Riek Machar, l’ancien vice-président,
désormais chef d’un mouvement armé
regroupant ex-rebelles, ex-soldats mutinés(
la majoritédel’arméesud-soudanaise
enfaitpartie),et lesredoutablesmilicesvillageoises
de «l’armée blanche». L’armée
affirmeengageruneoffensivepourreprendrela
ville pillée etengrandepartie détruite.
Achaquechangementdecamp,desvengeancesàcaractère
ethnique ont lieu.
ATongping,lesoccupantsducampsont
enmajoritédesNuers,rescapésdesvagues
de massacres commis par les forces de
sécurité ayant suivi l’éclatement, le
15décembre,d’une dispute politiqueentre
le président Salva Kiir et tous ceux qui, au
seindupartiaupouvoir,leMouvementde
libération des peuples du Soudan (SPLM),
s’opposaientàcequ’ilsqualifiaientdedérive
«dictatoriale».
AJuba, la dispute s’estmuéeen mutinerie,
puis en rébellion, tout en s’étendant à
une partie du pays, principalement dans
quatre Etats avec une forte population
Nuer(ledeuxièmegroupedupaysderrière
les Dinka). On ignore encore combien de
civils ont été tués par chaquegroupe, mais
les atrocités commises ne cessent pas.
DansMalakal, des patientes ontété violées
puis tuées à l’hôpital; la distinction entre
civils et militaires s’est estompée; nul
n’échappeauxmassacresdesdeuxcamps;
des victimes jonchent encore les rues.
A Juba, dans le camp, règne une forte
tension. Malgré l’inconfort extrême, la
promiscuité,ses occupantsneveulentpas
rentrerchezeux.«Onnepeutpas.Onnous
tuerait», affirmeunétudiant arrachéàses
études et à sa maison dans la nuit du
15 décembre, lorsque les soldats dinka
tuaient dans sa rue les membres de son
groupe ethnique.
Avec deux autres étudiant, il scrute le
ciel, s’inquiétant des nuages qui annoncent
la saison des pluies. L’air est saturé de
miasmes. Il n’y a plus assez de place pour
de nouvelles latrines. Dans quelques
semaines,lecloaque,installéenzoneinondable
sera unebombe sanitaire.
Danstoutlepays,devasteszonesseront
aussisouslabouependantles pluies,entre
avril et novembre. Pendant cette période,
tout s’arrête. Les camions ne passent plus.
Dans un pays où l’ensemble des services
sociauxestprisenchargepardesorganisations
internationales ou des ONG, les
Nationsuniesestimentqued’ici lemoisde
juin, 3,2 millions de personnes devront
recevoir de l’assistance alimentaire. C’est
presque le tiers de la population du pays.
865000 personnes ont été déplacées par
le conflit.
Pour les rebelles comme les loyalistes,
cela signifiera aussi l’arrêt des combats. A
Malakal et Bentiu, on s’est battu pour le
contrôle des zones d’exploitation pétrolière.
Les loyalistes ont fait appelà des groupes
armés du Soudan, notamment le JEM
(Mouvement pour la justice et l’égalité),
visibles à Bentiu. Le président Kiir a aussi
appelé l’armée ougandaise à la rescousse.
Lespositionsexactesdeces forcesétrangères
demeurent floues, mais leur présence
menacela région d’une extensionde la crise.
Le Soudan, vieil ennemi de l’Ouganda,
est hostile à cette présence militaire à ses
frontières. Dans le même temps, Khartouma
lancé une offensive contre ses propres
rebelles, dans les Etats du Sud Kordofan
et du Nil Bleu. L’aide humanitaireyest
interdite. Tout en massacrant ses propres
populations, le pouvoir de Khartoum
ménage Juba, dans l’espoir de permettre
au brut sud-soudanais de couler à travers
l’oléoduc qui traverse le Soudan.
L’Ethiopie ne cache pas non plus son
hostilitéàlaprésencechezleurvoisincommundetroupesougandaises.
Ladésagrégation
qui menace le Soudan du Sud risque
de ne pas épargner ses voisins. Le plus
jeune Etat du mondeest aussi une éponge
pétrolière, et cela alimente le conflit.
(350000 barils/j avant la crise, 150 à 200
000barils aujourd’hui).
A Malakal, les forces loyalistes de la
SPLA (Armée de Libération des peuples du
Soudan) devaient tenir coûte que coûte
pour protéger les zones pétrolières. Elles
ont été chassées par les forces de la SPLA
passées dans le camp de Riek Machar, qui
occupent des zones rurales à cheval sur
trois Etats.
C’est aussi dans cet ovale de la guerre
civile que se combinent les facteurs d’un
désastrehumanitairequi pourrait affecter
plus d’un million de personnes. L’accès
humanitaireyserauncauchemar.Chaque
année, les Nations unies et les ONG prépositionnent
des vivres et du matériel en
prévision de cette période. Une partie de
ces dépôts a été pillée. Comment reconstituerdes
stocks avant les pluies et éviter les
pillages?
Une course contre la montre est donc
engagée, avant que des populations coupées
de tout ne soient exposées à lamenacedemourirdefaim.
TobyLantzer,le coordinateur
humanitaire des Nations unies
au Soudan du Sud, se débat pour obtenir
1,27milliards de dollars, et éviter le pire.
L’exemple de plus de 100000 personnes
éparpillées en brousse prés de Leer,
dans l’Etat d’Unité, illustre cette catastrophe
en cours. Faceàune avancée des troupes
loyalistes, de nombreux civils se sont
enfuis vers la brousse. Une famille jointe
au téléphone déclarait, après plus de dix
jours dans la nature, ne se nourrir que«de
baies et de fleurs de nénuphar».
Jean-PhilippeRémy/Le Monde
Assinar:
Postar comentários (Atom)
Nenhum comentário:
Postar um comentário