Sur le plan historique, Cabinda est un reste du vieux « Congo portugais ». Dès le XVIème siècle, les Portugais avaient pratiquement fait du roi du Congo un vassal de la couronne portugaise, ce qui ne fit que s’aggraver par la suite. Pendant la période fasciste au Portugal (1930-1974), un administrateur portugais alla jusqu’à gifler en public le roi du Congo, pour bien montrer qu’il était un indigène comme les autres. De surcroît, les rivalités inter-impérialistes consécutives au traité de Berlin (1884-85) ont dépecé l’aire d’expansion de l’ancienne nation Kongo. Aujourd’hui, on a des Bakongo sur cinq territoires: le sud du Gabon, l’ouest des deux Congos, l’enclave de Cabinda et deux provinces du nord de l’Angola. L’ancienne capitale du royaume (M'banza-Kongo) est en Angola, sans continuité territoriale avec l’actuel Cabinda.
Cela dit, l’histoire a aussi créé une spécificité cabindaise proprement dite : l’éclatement du royaume du Congo a eu des effets en termes identitaires. Mais le fait est que l’occupation effective du territoire cabindais par les Portugais a été un processus distinct de celui de l’Angola. Cabinda n’a été rattaché à l’Angola qu’en 1956, évidemment sans consultation des populations, pas même des chefs traditionnels. Cabinda a cependant été un lieu important de la lutte armée anticoloniale, menée dans cette région principalement par le « MPLA (Mouvement populaire de libération de l’Angola) », au pouvoir à Luanda depuis 1975. Mais la majorité des guérilleros n’étaient pas originaires de Cabinda..., les Cabindais ressentant de la méfiance envers ce parti « angolais ».
En 1974-1975, le Portugal et toute la communauté internationale ont été d’accord pour exclure les mouvements cabindais des négociations menant à l’indépendance, n’y acceptant que les trois partis « angolais », le « MPLA », le « FNLA (Front national de libération de l’Angola) », qui avait un fort soutien parmi les Bakongo du Nord de l’Angola) et l’ « UNITA (Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola) » qui a mené une guérilla jusqu’en février 2002). De ce fait, les diverses fractions du FLEC (Front de libération de l’enclave de Cabinda) n’ont pas reconnu l’incorporation de leur territoire à l’Angola et une guérilla endémique sévit, malgré l’énorme disproportion des forces.
QUELS SONT LES LIENS QUI UNISSENT L’ENCLAVE DU CABINDA À L’ANGOLA ?
Les liens actuels de Cabinda avec l’Angola sont surtout... pétroliers. Le territoire et sa côte sont une véritable éponge à pétrole : la question cabindaise ne vient pas du pétrole – comme on le voit écrit trop souvent – mais il est évident que le fait que le territoire regorge de cette richesse dont la population ne bénéficie en rien, exacerbe le mécontentement, et favorise les manipulations en tous sens des pays de la région et des services secrets les plus divers...
Il y a des liens avec l’Angola, mais sur le plan humain, sans doute plus avec les deux Congos. En effet, Cabinda n’a aucune frontière commune avec l’Angola, alors que sa frontière orientale jouxte le Congo démocratique, et la frontière nord, le Congo. Quand des Cabindais cherchent à fuir leur territoire, ils passent par les deux Congos francophones et, souvent, arrivent alors en France par des filières organisées à partir de ces pays. C’est ce que l’on vient de constater puisqu’au moins l’un des auteurs de l’attentat résidait en France.
QUELLES SONT LES REVENDICATIONS EXACTES DU FRONT DE LIBÉRATION DE L’ENCLAVE DU CABINDA ?
Il n’y a pas un « FLEC », mais plusieurs fractions rivales. Les dissensions sont aggravées entre elles par l’influence des pays de la région et des compagnies pétrolières. Le gouvernement de Luanda a aussi réussi excellemment à diviser le mouvement en négociant avec telle ou telle fraction. Il a gravement affaibli la guérilla en prenant d’assaut, à l’été 2002, le quartier général du principal mouvement, profitant du fait que la rébellion de l’« UNITA » avait été vaincue et qu’il disposait dorénavant des troupes nécessaires.
La revendication de toutes les fractions du « FLEC » est l’indépendance de l’enclave. Mais, au gré des rapports de force, cette revendication fait parfois place à celle d’une simple « autonomie ». Suite au grave revers militaire subit, les diverses fractions du « FLEC » avaient décidé de se réunifier en 2004. Cela n’a pas empêché qu’en août 2006, le gouvernement de Luanda a réussi à signer un « Mémorandum d’entente pour la paix » avec le président du « FLEC » unifié, Bento Bembe. Mais celui-ci était probablement tombé dans la dépendance du gouvernement de Luanda : arrêté en Hollande en juin 2005 sur demande d’extradition des États-Unis en raison de l’enlèvement d’un employé de la compagnie pétrolière Chevron en 1990, il avait été libéré conditionnellement, grâce à un passeport diplomatique angolais et avait alors regagné Luanda.
Bien qu’exclu en février 2006 de la présidence du « FLEC », il n’en signa pas moins le 1er août suivant le « Mémorandum d’entente pour la paix » au nom d’un « Forum cabindais pour le dialogue ». Ce mémorandum reconnaît l’indivisibilité de l’Angola et enterre donc définitivement toute idée d’indépendance ou même d’autonomie. Un statut particulier pour la province est néanmoins prévu, dont on voit mal la différence avec le fonctionnement des autres provinces. Ce « Mémorandum » n’a été accepté par aucune des autres fractions du « FLEC », qui maintiennent la revendication de l’indépendance.
Michel Cahen, investigador francês
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