16.11.13
O mistério da morte de Yasser Arafat
Etrange histoire que celle de la France et de Yasser
Arafat. Etrange convergence, à la fois politique
et sentimentale. Rien ou presque ne prédestinait
la vieille puissance européenne à jouer le
rôle de l’allié de dernier recours, celui vers lequel on se
tourne dans lesmoments noirs. Atrois reprises pourtant,
Paris est venu au secours du père de la jeune nation
palestinienne. En 1982, quand les légionnaires du 2e REP
l’ont exfiltré de Beyrouth, alors assiégée et pilonnée par
l’armée israélienne; en1983, quand la marine française
aprotégé sa sortie de Tripoli,àbord d’un bâtiment grec;
et en 2004, quand Jacques Chirac, dans un ultime geste
de fidélité, aaccepté de l’accueillir à l’hôpital militaire
Percy de Clamart, en banlieue parisienne, où ilasuccombéàune
mystérieuse maladie du sang.
Aujourd’hui, neuf ans après sa mort, Yasser Arafat se
rappelle au bon souvenir de son vieil allié. La France, qui
s’en serait bien passée, est somméepar l’opinion publique
palestinienne de trancher la controverse sur les causes
de la mort du raïs au keffieh, jamais connues. La
semaine dernière, les résultats d’une expertise suisse,
qui ont mis en évidence une présence anormale de polonium,
une substance radioactive létale, dans des tissus
osseux prélevés sur les restes de l’ancien chef de l’OLP
ont relancé la thèse d’un empoisonnement.
Lors de l’exhumation, pratiquée ilyaun an à la
demande de Suha Arafat, l’ex-première dame de Palestine,
deux autres parties avaient récupéré des prélèvements:
un laboratoire russe, saisi à ladernière minute
parMahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne,
et des magistrats français, conséquence de l’enquête
ouverte par le tribunal de Nanterre après la plainte
pour assassinat déposée à l’été 2012 par Suha Arafat.
La fiabilité de l’expertise russe, quiaconcluàune présence
minimale de polonium, insuffisante pour tirer
une conclusion,aété mise en doute par Al-Jazira International,
la chaîne anglophone de l’empire audiovisuel
qatari, qui mène l’enquête sur la mort d’Arafat tambour
battant. Des documents produits sur son antenne suggèrent
que les scientifiques chargés des tests ont délibérément
sous-estimé la mesure de polonium, à lademande
expresse du ministère russe des affaires étrangères, soucieux
de ne pas fragiliser le laborieux processus de paix
relancé cet été. Vraies ou fausses, ces accusations ont suffi
pour discréditer le rapport russe dans les territoires
occupés, où la plupart des habitants sont persuadés
qu’Israël a tué leur dirigeant.
Reste donc l’enquête française, toujours en cours. Par
une étonnante ruse de l’Histoire, la France se retrouve à
nouveau en position de décider du destin de Yasser Arafat,
quoique de manière posthume cette fois. Une confirmation
des analyses suisses donnerait à la thèse de l’assassinat
politique un poids difficile à ignorer, qui pourrait
obliger M.Abbas àsaisir la Cour pénale internationale,
une option qu’il arejetée jusque-là, sous la pression
d’Israël et des Etats-Unis. Al’inverse, un résultat négatif
contribueraitàéloigner la polémique, sans pour autant
résoudre les interrogations qui planent sur la disparitiondu
«Vieux».
Dans cette affaire délicate, il faut souhaiter que les
autorités françaises ne fassent ni de la politique ni du
sentiment et qu’elles laissent les magistrats achever
leur travail en toute indépendance. Dire la vérité, toute
nue,mêmeinconfortable. Dans une région empoisonnée
par les dogmes, les mythes et les hypocrisies, la paix
commence par là. Le Monde
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