19.12.13

RDC: Milícia islamista no Kivu Norte

Depuis 2007, Jamil Mukulu dirige la milice islamiste ADF, accusée de multiplier les massacres de civils au Nord-Kivu. Relativement méconnu, ce jihadiste est un chef de guerre radical dont les motivations demeurent troubles. Islamiste radical, il l'est certainement. Mais est-il de ces jihadistes prêts à se sacrifier pour la gloire d'Allah ? Rien n'est moins sûr... Peu ou pas de photos, ni de vidéos : Jamil Mukulu, bientôt 50 ans, est un personnage trouble, qui entend rester discret. Il est cependant l'un des miliciens les plus recherchés et les plus sanguinaires du Nord-Kivu. Chef suprême de la rébellion islamiste ougandaise de l'ADF (Forces démocratiques alliées), placée sur la liste des organisations terroristes par les États-Unis en 2001, ce seigneur de guerre est visé par des sanctions des Nations-Unies et de l'Union européenne (UE) depuis deux ans. Implantée dans le territoire de Beni, au Nord-Kivu, l'ADF est considéré par beaucoup comme la principale source de déstabilisation de la région après le Mouvement du 23-Mars, récemment contraint de rendre les armes. Les 13 et 14 décembre, ces rebelles islamistes sont fortement suspectés d'avoir à nouveau montré toute l'étendue de leur barbarie, après le massacre et la mutilation d'une vingtaine de villageois, parmi lesquels des femmes et des enfants en bas âge. Composée de 800 à 1 200 miliciens, l'ADF est la branche islamiste de l'ancienne rébellion ougandaise de l'ADF-Nalu, née en 1995 de l'alliance entre musulmans des Forces alliés démocratiques (ADF) et combattants de l'Armée nationale pour la libération de l'Ouganda (Nalu). Après avoir échoué à renverser le régime de Kampala, les membres de la Nalu quittent le mouvement et se rendent en 2007. Jamil Mukulu, chef militaire de l'ADF, se retrouve alors seul aux commandes de la milice, qu'il dirige depuis d'une main de fer. Adepte du Tabligh De son nom islamique Hussein Muhammad, Jamil Mukulu serait né le 1er janvier 1964 dans le village de Ntoke, dans le district de Kayunga, en Ouganda. Très peu d'informations filtrent de la jeunesse de ce chrétien converti à l'islam. Dans les années 1980, alors que les opposants ougandais (musulmans et chrétiens) sont réprimés sous les régimes de Milton Obote et Yoweri Museveni, Jamil Mukulu intègre le Tabligh, courant islamique très rigoriste né en Inde dans les années 1920. Après des affrontements meurtriers avec les forces de l'ordre à Kampala, Mukulu et plusieurs dirigeants du Tabligh sont emprisonnés de 1991 à 1993. C'est à leur libération, après avoir trouvé réfuge au Kenya et en Tanzanie, qu'ils fondent l'ADF-Nalu avec les rebelles de l'Armée nationale pour la libération de l'Ouganda. Le nouveau mouvement s'implante près de Beni, dans la province du Nord-Kivu, en RDC, où se trouve une petite communauté musulmane. Mukulu ne le quittera plus. D'après le dernier rapport des experts de l'ONU pour la RDC, Mukulu aurait installé son quartier général au nord-est de Beni, près d'Eringeti, au Nord-Kivu. D'après le dernier rapport des experts de l'ONU pour la RDC, Mukulu aurait installé son quartier général au nord-est de Beni, près d'Eringeti, dans un camp baptisé "Madinat Tawheed Muwaheedina". Ses troupes seraient réparties dans différents campements aux alentours. Une partie d'entre elles ont été enrôlées de force en RDC et en Ouganda. Qu'ils soient recrues ou membres de familles de combattants, les femmes et les enfants se voient également imposer une formation militaire par Jamil Mukulu. Selon un rapport des services de renseignement ougandais consulté par le quotidien The Daily Monitor, lui-même aurait fréquenté des camps d'entrainement en Afghanistan et au Pakistan. Il aurait par ailleurs une épouse, employée en tant qu'infirmière à Londres, et un fils, Bikumbi Hassan Mukulu, arrêté en 2011 à Nairobi. Des liens avec les Shebabs ? À partir de 2007, sous la férule du tabligh Mukulu, l'ADF est passé de milice "ordinaire" du Nord-Kivu à composante de la nébuleuse islamiste radicale africaine. Le chef a ainsi imposé la conversion obligatoire à l'islam pour ses combattants. Pour autant, les motivations idéologiques des ADF, tout comme celles de Mukulu, restent floues. Difficile à dire si ce groupe mène le jihad ou s'il défend ses intérêts politico-financiers. Depuis quelques années, de nombreux services de renseignement de la région estiment toutefois que l'ADF de Jamil Mukulu entretient des liens plus ou moins étroits avec les Shebabs somaliens. Selon les militaires ougandais, une des premières actions communes aux deux groupes aurait été les attentats de juillet 2010 à Kampala (plus de 70 victimes), durant lesquels des ADF auraient fournit un appui au commando shebab. "Il y a peut-être des échanges tactiques, une collaboration logistique et des virement d'argent, mais pas de contacts directs", tempère Christoph Vogel, chercheur spécialiste des groupes armés au Nord-Kivu. S'il relaie ces informations dans son dernier rapport, le groupe d'experts de l'ONU sur la RDC indique aussi qu'il "poursuit son enquête sur l'appui financier reçu par l'ADF et sur ses possibles liens avec les Shebabs". Cet été, Julien Paluku, gouverneur de la province du Nord-Kivu, affirmait pour sa part que des combattants shebabs avaient rejoint les rangs de l'ADF. Une information qui n'a pas été encore officiellement confirmée. ___ Benjamin Roger/Jeune Afrique

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