On glose, ici ou là, sur les rivalités tribales qui déchireraient irrémédiablement la Libye et seraient une autre cause d'enlisement. Or je dois, là aussi, témoigner de ce que j'ai vu : dans la ferme du docteur Almyhoub, membre du CNT et président du "Conseil des sages et des dignitaires", un grand rassemblement des chefs ou représentants des 300 tribus de Libye. Il y a là, magnifiquement chamarrés et venus dire, ensemble, leur refus du despotisme ainsi que leur attachement à une Libye indivisée, les chefs des tribus de Cyrénaïque et de la Montagne verte. Ceux de Misrata, Zaouïa, Zinten, les villes martyres. Mais aussi – et c'est l'événement – des représentants de tribus prétendument alliées au régime : Zawara ; Nalout ; Al Zentan ; un émissaire de Jajoura, à l'est de Tripoli ; un envoyé des Alnadahi Alarbah, une tribu proche de l'aéroport de la capitale; un Alfourtan, cette tribu de la région de Syrte dont Kadhafi a fait exécuter, à Ras Lanouf, plusieurs officiers qui refusaient de tirer sur le peuple. A croire que la sauvagerie des mercenaires kadhafistes, loin de diviser les insurgés, les soude. Et à croire que le temps, ici aussi, joue pour le parti de la liberté. Plus que jamais, tout l'indique: la Libye libre, avec ses alliés, peut l'emporter sur le tyran.
Bernard-Henri Levy, philosophe, membre du conseil de surveillance du Goupe Le Monde
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