7.4.14
Quem quer comprar Portugal?
Un permis de séjour de cinq ans en échange d'un chèque de 500 000 euros minimum. Tel est le deal proposé par les autorités portugaises aux investisseurs venus de Pékin ou de Shanghai.
Edmund Zhao est l'un des 228 investisseurs chinois à avoir profité ces derniers mois du visa Gold. En échange de 500 000 euros d'investissement - ou de la création de dix emplois -, ce programme permet aux étrangers de bénéficier d'un permis de séjour de cinq ans au Portugal. Edmund Zhao a déjà acheté cinq propriétés à Lisbonne et se retrouve à la tête d'un joli capital immobilier dans la capitale. "J'ai investi 2 millions d'euros et fait venir mon épouse et mes parents. Sans la perspective d'obtenir une carte de séjour, je n'aurais sans doute jamais mis les pieds au Portugal", raconte-t-il.
Edmund Zhao distribue à tour de bras sa carte de visite. Il s'y présente comme le président de Golden World Property Investment Consultant Ltd, un titre ronflant qui lui permet surtout de jouer les intermédiaires entre des millionnaires chinois désireux d'émigrer en Europe et les innombrables agences immobilières de la côte portugaise. En réalité, il est le patron de l'un des plus gros promoteurs immobiliers de la région de Hangzhou, au sud de Shanghai. Richissime et discret, il ne fait pas mystère de son souci de mettre à l'abri son capital en s'installant à l'étranger.
Le programme Golden Visa a été lancé en octobre 2012 par le gouvernement de centre droit de Pedro Passos Coelho afin d'attirer les capitaux étrangers. Placé sous perfusion financière par la Commission européenne en 2011, le Portugal peine en effet à retrouver la confiance des investisseurs étrangers. Plus de 90 % des investissements viennent d'autres pays européens. Le reste du monde rechigne à s'engager dans un pays au bord de la banqueroute.
L'idée de ce programme "visa contre investissement" a déjà été expérimentée au Canada, à Chypre et en Grèce. Depuis quelques mois, d'autres pays comme l'Espagne s'y essaient timidement. Mais personne n'est allé aussi loin que le Portugal, qui brade littéralement ses belles villas en bord de mer en échange d'un permis de résidence.
Un passeport, à condition de vivre au moins quinze jours par an au Portugal
À Estoril, Nuno Neefe Durao dirige l'agence Fine & Country. À bord de son luxueux 4x4 de marque allemande, il claironne ses bons résultats : 50 millions d'euros en 2013, soit une cinquantaine de maisons vendues. À lui seul, il a décroché 10 % des investissements chinois. On vient en famille dans cette coquette station balnéaire à l'ouest de Lisbonne. Ce midi-là, les restaurants de poisson sont pleins. Beaucoup de Chinois sont venus visiter des biens à 7 000 euros le mètre carré. Les agences leur vantent les bienfaits de l'air pur, de l'éducation occidentale pour leurs enfants, du système de santé portugais, et, surtout, de ce visa qui leur permettra de voyager et d'investir dans tout l'espace Schengen. Au bout de cinq ans, à condition de vivre au moins quinze jours par an au Portugal, ils pourront même demander un passeport et mettre ainsi définitivement à l'abri leur famille et leur capital.
Car les fortunes vite édifiées dans le sillage de l'ouverture de la Chine à l'économie de marché, dans les années 1980, peuvent s'évanouir tout aussi rapidement. Il suffit pour cela d'un différend avec un cacique du Parti communiste ou d'avoir "oublié" de payer ses impôts. Chaque année, des dizaines de milliardaires chinois prennent ainsi le chemin de l'exil, en envoyant en éclaireur femmes, enfants... et billets verts. À en croire le China Daily, un quotidien officiel, au moins 50 % d'entre eux nourrissent secrètement un projet d'émigration.
Le gouvernement portugais espère attirer cette année 500 millions d'euros d'investissements étrangers non communautaires. Soit 60 % de plus qu'en 2013.
Plus de 90 % d'entre eux proviennent d'investisseurs chinois. Dès l'aéroport de Lisbonne, des brochures en mandarin vantent la beauté de cette "Californie de l'Europe", comme elle se présente désormais. Même les retraités français sont visés, avec un programme de résidence fiscale habilement négocié. Mais les Européens sont tenus de respecter les règles du jeu fiscal, alors que les Chinois jonglent en permanence avec la légalité. Car il leur est formellement interdit de détenir un second passeport et, plus encore, de sortir des millions d'euros du pays sans l'aval des autorités. Mais des agences d'immigration ont vite trouvé le moyen de contourner la difficulté. Grâce à une escouade d'avocats, chinois et portugais, l'affaire peut être réglée en trois jours. Les sommes sont transférées sur un compte portugais. Et le visa délivré dans la foulée. "
Je ne cherche pas à savoir d'où vient l'argent de mes clients, explique Nuno Neefe Durao. En tout cas, il ne s'agit pas de blanchiment, car les banques ont le devoir de s'assurer de sa provenance. Mais il est vrai que nous n'avons pas le droit de promouvoir nos activités directement en Chine. Et que nos clients sont plutôt discrets." L'homme d'affaires se borne à indiquer qu'il verse en dessous-de-table à des intermédiaires chinois 6 % du montant de chaque transaction.
Les investissements directs étrangers ont plongé de 113%
L'ambassade du Portugal à Pékin, les autorités portugaises et la municipalité d'Estoril refusent de préciser les modalités du programme. Seul Paulo Portas, le vice-Premier ministre, nous communique quelques chiffres : 471 visas Gold accordés en 2013, soit 306,7 millions d'euros investis qui ont "contribué sensiblement à la reprise du marché immobilier". Il faut dire que le Portugal revient de loin. L'immobilier s'y est effondré de 30 % depuis le début de la crise financière, en 2009.
Si la pierre portugaise pourrait retrouver bientôt des couleurs grâce aux Chinois, les investissements industriels en revanche sont toujours à la peine. Les investissements directs étrangers ont plongé de 113 % l'an dernier, d'après la Banque du Portugal. Mais, là encore, les Chinois sont en embuscade.
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